Consultation sur la Subvention salariale d’urgence du Canada

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Introduction

Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada, avec 315 000 membres travaillant dans des lieux de travail très divers à travers le pays. Nos membres travaillent dans tous les grands secteurs de l'économie canadienne, notamment le commerce de détail, la santé et les soins de longue durée, le transport de passagers, la transformation des aliments et des boissons, et de nombreux autres secteurs qui ont été en première ligne de la pandémie de la COVID-19.

Malheureusement, l'impact économique sans précédent de la récente pandémie a entraîné la mise à pied de dizaines de milliers de nos membres et la réduction des heures de travail et des salaires de milliers d'autres. Bien que les conventions collectives de nos membres prévoient des protections contre les mises à pied plus importantes que pour les travailleuses et travailleurs non syndiqués, sans une intervention décisive du gouvernement, nombre de ces mises à pied deviendraient probablement permanentes à mesure que le ralentissement économique s'installe.

Unifor a salué l'annonce de la Subvention salariale d'urgence du Canada (SSUC) en avril comme une mesure essentielle pour soutenir les revenus des travailleuses et travailleurs, prévenir les mises à pied et maintenir le lien d'emploi. La SSUC permettrait aux employeurs de remettre plus facilement leurs employés en emploi actif lorsque les conditions s'amélioreront, ce qui jouerait un rôle clé dans l'accélération de la reprise économique au Canada.

Toutefois, malgré les ambitions déclarées du programme, la réaction des employeurs a été tiède. À la fin mai, seul un dixième du budget de 76 milliards de dollars du programme de la SSUC avait été dépensé, les coûts prévus ayant ensuite été revus à la baisse à 45 milliards de dollars. La lenteur de l'adoption du programme par les employeurs est conforme à l'expérience d'Unifor, qui a vu des employeurs, grands et petits, traîner les pieds pour décider s'ils devaient ou non se prévaloir de la SSUC.

Bien que la prolongation de 12 semaines de la SSUC récemment annoncée soit la bienvenue, le gouvernement devra apporter des changements plus substantiels au programme s'il espère augmenter le taux de participation des employeurs. Les demandes d'adhésion à la SSUC n'ont été ouvertes qu'à la fin du mois d'avril, alors que des millions de travailleuses et travailleurs canadiens avaient déjà été mis à pied. Il était alors beaucoup trop tard pour éviter la grande majorité des mises à pied qui avaient été causées par la chute des revenus, et le programme a, à juste titre, mené une bataille difficile pour convaincre les employeurs de réembaucher les employés déjà mis à pied.

Dans ce qui suit, nous nous étendons sur certaines des principales questions qui doivent être rectifiées si le programme de la SSUC doit réussir à encourager les employeurs à réembaucher des travailleuses et travailleurs et à maintenir la relation d'emploi.

 

Mesures financières dissuasives inhérentes à la SSUC

Dans les nombreuses sections locales d'Unifor, l'une des principales pierres d'achoppement que nos membres ont rencontrées lorsqu'ils ont encouragé les employeurs à faire appel à la SSUC a été le coût non subventionné du maintien des travailleuses et travailleurs en congé payé.

Nombre de nos conventions collectives – qui restent en vigueur tant qu'un employeur bénéficie du programme de la SSUC – stipulent que les employeurs doivent continuer à payer les primes d'assurance maladie et autres avantages non imposables aux travailleuses et travailleurs en congé payé, qui ne sont pas actuellement désignés comme rémunération admissible aux termes du programme de la SSUC. Les employeurs sont également tenus par les exigences légales provinciales de continuer à payer les impôts provinciaux sur la santé et les primes d'indemnisation des travailleuses et travailleurs. Pris ensemble, ces coûts non subventionnés constituent un facteur de dissuasion financière considérable pour de nombreux employeurs, en particulier ceux dont les activités ont été complètement suspendues au cours des derniers mois.

La structure du processus de demande d'adhésion à la SSUC signifie également que les employeurs ne peuvent demander une période de subventions qu'une fois la période terminée. En effet, la subvention salariale est versée sous forme de remboursement des salaires déjà avancés. Cela constitue également un facteur financier important qui dissuade les employeurs de réembaucher des employés mis à pied, compte tenu de la dépense initiale de coûts salariaux requise.

Pour bon nombre de nos plus grands employeurs dans des secteurs tels que l'hôtellerie et les jeux, qui continuent à ne connaître que peu ou pas de rentrées de fonds et dont la réouverture prendra beaucoup de temps, de tels coûts rendent prohibitif le recours à la SSUC. Ces secteurs auront besoin non seulement d'une méthode d'accès sans coûts au programme, mais aussi d'incitations supplémentaires qui fournissent des liquidités et un soutien financier pour les coûts liés à la masse salariale.

Préoccupations concernant l'asmissibilité, les déductions de cotisations et le calcul des subventions

Au-delà des obstacles financiers à l'accès au programme, Unifor s'inquiète du fait que les conditions d’admissibilité à la SSUC sont beaucoup trop restrictives. La baisse de revenus requise de 30 % à partir de la deuxième période de demande disqualifie un certain nombre d'employeurs qui ont néanmoins procédé à des mises à pied importantes. Étant donné le faible niveau d'utilisation, le gouvernement devrait envisager d'abaisser le seuil à 15 % (comme pour la période de demande 1) pour toutes les périodes de demande.

En outre, si l'extension récemment annoncée des entités admissibles aux entreprises publiques autochtones, aux organisations de journalisme enregistrées et aux établissements d'enseignement et de formation non publics a constitué une amélioration essentielle du programme, il reste encore trop d'entités non admissibles, notamment les autorités municipales de transport en commun et les établissements d'enseignement postsecondaire publics.

Bien entendu, de nombreux employés continueront à ne pas pouvoir bénéficier de la subvention salariale, car ils sont employés par des entités qui ne remplissent pas les conditions d'éligibilité. Pour les employés qui sont licenciés et qui reçoivent la Prestation canadienne d'urgence (PCU), il est essentiel qu'ils puissent avoir accès à leur régime de prestations supplémentaires de chômage (PSC), ce qui n'est actuellement pas permis en vertu des règles de la PCU. Dans un certain nombre d'administrations canadiennes, les versements au titre des régimes de PSC suffiraient à maintenir la relation d'emploi et à prévenir la présomption de cessation d'emploi, remplissant ainsi une partie de la fonction du programme de la SSUC pour les personnes non admissibles.

Sur le plan logistique, Unifor a dû informer à plusieurs reprises les bénéficiaires de la SSUC de la nécessité de continuer à effectuer les retenues salariales obligatoires, y compris les cotisations syndicales et autres, étant donné l'absence de directives claires du gouvernement sur ce point.

Enfin, Unifor a eu connaissance du fait que certains employeurs abusaient de l'option consistant à faire la moyenne des heures hebdomadaires sur les périodes de paie bihebdomadaires pour payer nos membres moins que ce qu'ils recevraient autrement. Dans de tels cas, les employeurs choisissent de payer à nos membres un montant hebdomadaire fixe de 847 dollars si leurs heures tombent en dessous d'un certain seuil, tout en payant un salaire normal si les employés sont au-dessus de ce seuil. Toutefois, en calculant la moyenne des heures hebdomadaires sur deux semaines, ils réduisent le montant des salaires réguliers versés en complément du montant hebdomadaire maximum de la SSUC.  Alors que le projet de loi C-14 ne mentionne que la rémunération calculée sur une base hebdomadaire, le calculateur en ligne de la SSUC offre aux employeurs la possibilité de faire la moyenne des heures hebdomadaires sur deux semaines.

Recommandations d’Unifor

Compte tenu des mesures financières dissuasives et des limites inhérentes au programme de la SSUC, tel qu'il est actuellement structuré, Unifor recommande au gouvernement d'apporter les modifications suivantes au programme:

  • Inclure les cotisations à l’assurance maladie, les cotisations de retraite et les autres avantages non imposables dans la définition de la rémunération admissible.
  • Étendre l'admissibilité au secteur public élargi, y compris aux établissements d'enseignement post-secondaire et aux autorités municipales de transport.
  • Réduire à 15 % le seuil de diminution des revenus requis pour toutes les périodes de demande.
  • Fournir des directives plus claires aux demandeurs de la SSUC sur la nécessité d'effectuer des déductions obligatoires, y compris les cotisations syndicales.
  • Assurer la coordination avec les gouvernements provinciaux pour alléger ou rembourser l’impôt-santé des employeurs et les primes d'indemnisation des travailleuses et travailleurs pour les employés en congé payé.
  • Empêcher les employeurs d'établir une moyenne des salaires sur une base bihebdomadaire et imposer la déclaration hebdomadaire des rémunérations.
  • Permettre aux employeurs d'utiliser les manques à gagner prévus et de demander à l'avance la période de réclamation de la SSUC.
  • Élaborer un mécanisme permettant de fournir un soutien salarial supplémentaire aux employeurs des secteurs qui n'ont pas encore rouvert ou qui continuent à avoir une forte proportion de travailleuses et travailleurs mis à pied.
  • Veiller à ce que tous les employés mis à pied puissent avoir accès à leur régime de prestations supplémentaires de chômage (SUB), qu'ils reçoivent ou non la PCU.

Unifor estime que la SSUC est un programme essentiel pour maintenir le lien d’emploi des travailleuses et travailleurs et doit jouer un rôle central pour préparer l'économie à une reprise rapide après la pandémie de la COVID-19. Nous sommes heureux de discuter plus avant de ces questions et de fournir des informations plus détaillées sur la manière dont le programme de la SSUC peut être modifié pour bénéficier à davantage de travailleuses et travailleurs.