Mémoire d’Unifor présenté au Comité permanent de la politique sociale sur le projet de loi 60

Loi visant à modifier et à adopter diverses lois relatives au système de santé

QU’EST-CE QU’UNIFOR?

Unifor est un syndicat canadien regroupant 310 000 membres dans 20 secteurs de l’économie partout au pays. Nos 160 000 membres en Ontario travaillent dans divers secteurs, dont la construction automobile, l’aérospatiale, les ressources naturelles, le transport routier, le transport aérien et ferroviaire, les télécommunications, les médias, les soins de santé, les services sociaux, l’éducation, le commerce de détail, l’hôtellerie et les jeux, pour n’en citer que quelques-uns. Unifor représente plus de 30 000 membres dans le secteur de la santé en Ontario.

Nous protégeons nos membres en assumant un rôle de premier plan dans la création de lieux de travail productifs et sécuritaires et d’une économie forte, afin que tous les travailleurs et travailleuses à travers le pays puissent bénéficier d’un emploi de qualité et d’un niveau de vie convenable.

Unifor assure la promotion et la défense des droits économiques et sociaux des travailleuses et des travailleurs, y compris leur droit à des lieux de travail et des emplois sûrs, des salaires et des avantages qui leur garantissent un niveau de vie convenable, la dignité et le respect mutuel sur le lieu de travail. Pour réaliser ces objectifs, Unifor intervient non seulement sur les lieux de travail et à la table des négociations, mais aussi dans tous les aspects de nos communautés et dans les débats politiques afin de rendre la société canadienne plus juste et plus équitable.

PRÉSENTATION :

Unifor se réjouit d’avoir l’occasion de participer aux audiences publiques concernant le projet de loi 60.

Dans un premier temps, il est essentiel de comprendre le contexte dans lequel s’inscrit ce texte législatif. Le projet de loi 60 est adopté à toute vapeur par le gouvernement provincial, qui continue à priver de ressources le système public de soins de santé. En matière de financement des hôpitaux et établissements de soins de santé publics, l’Ontario demeure la province où le financement par habitant est le plus bas au pays.1

Dans nos hôpitaux publics, les blocs opératoires et les laboratoires continuent d’être sous-utilisés, de sorte que l’accès aux interventions chirurgicales et aux procédures pourrait être amélioré si le gouvernement décidait de prendre les mesures nécessaires. L’état de notre système de soins de santé - y compris les problèmes de temps d’attente et d’arriérés pour les interventions chirurgicales et les procédures de diagnostic - est le résultat d’un sous-financement systémique de nos hôpitaux publics et de politiques gouvernementales qui ont exacerbé la crise de la dotation dans le secteur. La décision de ce gouvernement d’étendre la privatisation des services hospitaliers à des entités à but lucratif est une décision politique qui n’est pas dans l’intérêt des Ontariennes et Ontariens ni de notre système de santé.

Alors que la loi existante permettait déjà aux cliniques privées d’effectuer des interventions chirurgicales d’un jour et des diagnostics, le loi 60 vise sans équivoque à faciliter le plan du gouvernement consistant à favoriser la rapide multiplication des cliniques privées, malgré les effets néfastes sur notre système public de soins de santé.

MISE EN PÉRIL DU SYSTÈME PUBLIC

En encourageant la multiplication des cliniques privées et des services fournis par le secteur privé, ce gouvernement sape un système public qui fonctionne à condition d’être correctement soutenu.

1 https://www.fao-on.org/fr/Blog/Publications/interprovincial-comparison-2022; https://www.ontariohealthcoalition.ca/wp-content/uploads/Public-Hospital-Funding-per-Capita-2019.pdf

 

Vente incitative de services

Avec l’expansion des interventions et des procédures dans les cliniques privées, la question de la vente incitative de services aux patients suscite de vives inquiétudes, notamment en ce qui concerne frais qui accompagnent des procédures courantes comme les chirurgies de la cataracte, les IRM et autres services de diagnostic.2 Cette loi ne fait pas obstacle à la pratique abusive de la vente incitative et laisse les Ontariennes et Ontariens financièrement vulnérables s’ils ont recours aux services d’une clinique privée à but lucratif.

La section 5(5)(i) de la loi contient une disposition de « vente incitative », avec l’obligation pour les responsables soumettant une demande pour une clinique privée de décrire tous les services non assurés, les tarifs de ces services et la méthode prévue pour obtenir le consentement du patient. Toutefois, cette exigence de déclaration ne constitue pas une véritable mesure de responsabilisation pour les prestataires de services. La loi n’établit aucune norme concernant la vente incitative de services, qui peut être définie par des règlements ou laissée à la discrétion de la directrice ou du directeur chargé de superviser les demandes.

Exacerbation de la crise de la main-d’œuvre

Comme le gouvernement actuel oriente les ressources vers les cliniques privées, les ressources humaines, en particulier au sein du système public, seront fortement sollicitées. Dans un contexte de pénurie de personnel dans le secteur de la santé, l’expansion des cliniques privées créera une concurrence entre deux systèmes différents pour le recrutement de travailleuses et travailleurs qualifiés. Comme le soulignent plusieurs organisations et organismes de réglementation des professionnels de la santé, l’expansion des cliniques privées mettrait en difficulté les hôpitaux qui peinent déjà à traiter les volumes de patients.3

Par le biais d’une expansion dans le secteur privé, cette loi ne fera que contribuer à détourner des ressources humaines essentielles du système public.

Réduction des coûts et qualité des soins

La privatisation des services de santé repose essentiellement sur les profits. La recherche de rentabilité mène inévitablement à des mesures de réduction des coûts qui peuvent se traduire par une diminution du personnel ou d’autres mesures qui se répercutent sur la qualité des soins. Alors que les fonds publics sont consacrés aux services fournis par notre système public, cette loi ne fera qu’accroître les bénéfices des propriétaires de cliniques privées avec l’argent des contribuables.

La dépendance envers les cliniques privées, motivées par l’appât du gain, créera davantage d’inefficacités dans le système de soins de santé. En fin de compte, les Ontariennes et les Ontariens paieront davantage par le biais de leurs impôts ou de la surenchère de services.

https://toronto.ctvnews.ca/ontario-health-advocates-warn-of-manipulativ…

3 https://toronto.ctvnews.ca/expanding-private-ontario-clinics-will-only-…- shortages-doctors-college-warns-1.6229561

RESPONSABILITÉ PUBLIQUE

Rôle de la directrice ou du directeur

L’article 3 de la loi permet à la ministre de nommer une directrice ou un directeur, qui peut être une personne physique ou morale. Cette disposition modifie l’obligation actuelle qui veut que cette personne soit employée par le ministère.

La directrice ou le directeur a le pouvoir d’approuver les nouvelles cliniques privées et de délivrer des permis d’exercer, entre autres. Or, cette loi permettra au gouvernement de nommer n’importe quelle personne tierce, ou même une société, pour exercer ces vastes pouvoirs. Dans un tel scénario, la personne ou les personnes occupant un poste de direction ne seraient pas soumises aux règles de conflit d’intérêts et de déontologie applicables aux fonctionnaires.

Ainsi, rien n’est prévu pour prévenir les conflits d’intérêts éventuels d’une directrice ou d’un directeur lors de la délivrance d’un permis. Il n’y a pas d’obligations de divulgation financière ni d’exigences visant à garantir l’accès du public à l'information. Cette situation se traduira simplement par un manque de transparence et de responsabilité, ce qui est alarmant.

Délivrance des permis pour les nouvelles cliniques

Bien que la législation actuelle permette à la directrice ou au directeur de jouer un rôle dans la délivrance des permis, la ministre est tenue de déterminer quels établissements et services peuvent être considérés comme des cliniques privées. Cette décision de la ministre est soumise à un avis public et à l’approbation du Cabinet.

L’article 5 du projet de loi 60 n’inclut pas cette disposition et permet à toute directrice et à tout directeur d’avoir toute latitude pour délivrer les permis pour les cliniques privées. Les personnes occupant un poste de direction auront ainsi plus de pouvoirs qu’auparavant, y compris celles et ceux qui relevaient auparavant des responsabilités de la ministre.

Le projet de loi 60 ne contient pas non plus de dispositions suffisantes pour permettre aux représentantes et représentants élus d’exercer une surveillance publique. Par exemple, les mesures relatives aux avis publics, à l’obligation d’obtenir l’approbation du Cabinet ou à la période de préavis de 30 jours sont inexistantes. Cette loi favorisera la rapide multiplication des cliniques privées, avec très peu de supervision, de responsabilité ou de consultation publique.

Absence de transparence en ce qui concerne les cliniques privées

Les articles 19 à 23 ne prévoient pas de véritables mesures en matière de responsabilité publique pour les cliniques privées. Par exemple, l’article 19(3) stipule que l’information relative à une demande de permis demeurera confidentielle et ne sera pas rendue accessible au public en vertu de la Loi sur la liberté d’information et la protection de la vie privée.

Cette nouvelle dérogation à l’accès public à l’information pour les demandeurs de permis est inutile et préjudiciable à notre système de soins de santé. Ainsi, le public n’aura aucun moyen de contester un demandeur de permis ou de savoir qui a déposé une demande de permis et quels services seront externalisés vers des cliniques privées. En vertu de cette loi, ces cliniques privées ne feront l’objet d’aucune consultation publique ni d’aucune procédure de plainte de la part du public.

En général, il semble que ces cliniques privées ne soient soumises à aucune norme de responsabilité publique. L’article 22 exige des cliniques privées qu’elles disposent de leurs propres procédures internes de traitement des plaintes et qu’elles respectent les normes de sécurité et de qualité. Mais ces normes seront laissées aux réglementations.

CONCLUSION

Le projet de loi 60 provoquera des bouleversements importants dans le système de santé de la province en autorisant les cliniques privées à fournir davantage de services, tout en étant en mesure de le faire avec moins de responsabilité publique et d'encadrement que les hôpitaux publics. Cette loi va permettre au gouvernement d’accélérer la délivrance de permis pour les centres de soins privés, tout en conférant davantage de pouvoir décisionnaire à des personnes ou à des entités tierces, moins redevables à l’égard du public. Cette situation devrait préoccuper toutes les Ontariennes et tous les Ontariens.