La législation fédérale sur le recours aux briseurs de grève comporte une importante clause échappatoire qui rend inutile toute interdiction supposée dans la loi fédérale.
Lorsqu'Unifor a lancé une campagne publique en mai pour réclamer une solide loi contre les briseurs de grève aux niveaux fédéral et provincial dans tout le pays, notre document de recherche, Le bien-fondé d'une loi anti-briseurs de grève au Canada, a utilisé les données d'Unifor sur les conflits de travail depuis 2013 pour montrer que le recours aux briseurs de grève entraîne des conflits de travail six fois plus longs que la moyenne.
Nous avons également constaté que le recours aux briseurs de grève contribue à accroître les tensions sur les lignes de piquetage et nuit à la capacité des employeurs et des travailleurs à conclure des conventions équitables et à normaliser les relations de travail.
En réponse, certains ont suggéré que nous avions négligé les dispositions relatives aux briseurs de grève au niveau fédéral.
Ce n'est pas le cas.
En fait, à l’article 94 (2.1) de la Partie 1 du Code canadien du travail stipule que : « Il est interdit à tout employeur ou quiconque agit pour son compte d’utiliser dans le but établi de miner la capacité de représentation d’un syndicat plutôt que pour atteindre des objectifs légitimes de négociation, les services de toute personne qui n’était pas un employé de l’unité de négociation. »
Une lecture même superficielle révèle que ce passage du Code n'interdit pas le recours aux briseurs de grève.
Au contraire, il impose au syndicat la tâche impossible de prouver que l'employeur utilise des briseurs de grève pour miner la capacité de représentation du syndicat.
En d'autres termes, tant que l'employeur est réputé poursuivre des « objectifs légitimes de négociation » – par exemple, s'il exprime son intention de poursuivre les négociations pendant une grève ou un lock-out, même s'il n'est pas activement à la table – l’employeur peut déployer des briseurs de grève quand et où il le souhaite dans le secteur fédéral.
Le problème fondamental est que la partie I du Code suggère à tort que les briseurs de grève ne posent problème que lorsque les employeurs les utilisent pour miner la « capacité de représentation » d'un syndicat – un terme qui, de l'avis même des arbitres fédéraux n'est pas clairement défini.
Il est manifestement faux de laisser entendre qu'il existe une protection pour les travailleuses et travailleurs contre le recours aux briseurs de grève dans le secteur fédéral canadien. C'est ignorer la raison principale du recours aux briseurs de grève en premier lieu – qui est d'éroder la légitimité du processus de négociation lui-même. Dans presque tous les cas, les employeurs ont recours à des briseurs de grève pour miner le pouvoir de négociation d'un syndicat.
En d'autres termes, il y a une contradiction au cœur de la disposition du Code canadien du travail sur les travailleurs de remplacement.
Elle permet aux employeurs d'utiliser des briseurs de grève dans la mesure où ils poursuivent des objectifs légitimes de négociation, mais le déploiement même des briseurs de grève délégitime le processus de négociation et permet à l'employeur de le contourner entièrement.
En fin de compte, l'article 94 (2.1) du Code canadien du travail ne reconnaît pas que la logique première derrière le déploiement de briseurs de grève est de nier le pouvoir de négociation collective des syndicats en contournant notre droit de grève, préservant ainsi le déséquilibre de pouvoir inhérent qui existe en faveur des employeurs.
Il ne peut y avoir de poursuite légitime des objectifs de négociation par un employeur tant qu'il croit que le retrait de notre travail est un simple inconvénient qu'il peut contourner en embauchant des briseurs de grève.
La campagne d'Unifor prend de l'ampleur, et notre message est clair : soutenir les travailleuses et travailleurs au Canada signifie soutenir une loi contre les briseurs de grève significative aux niveaux fédéral et provincial.
Lisez notre rapport complémentaire complet, Le bien-fondé d’une loi anti-briseurs de grève, ici.