Par Lana Payne, Naureen Rivzi et Joie Warnock
En tant que dirigeantes élues et membres d’Unifor, nous luttons tous les jours pour l’égalité, autant à la table de négociations que sur le plan politique.
Nous sommes fières de faire partie d’un groupe de femmes ayant lutté pour la pleine égalité et qui continue de le faire. Le choix en matière de procréation et la capacité des femmes d’avoir le contrôle de leur propre corps font partie intégrante de cette lutte pour l’égalité.
Ce droit n’est malheureusement pas une réalité pour bon nombre de femmes, et il est aussi menacé dans le monde entier. Si nous devons encore une fois parler du droit de choisir et d’avoir le contrôle de notre propre corps, c’est parce que les forces de la droite refusent d’abandonner une lutte qu’elles ont déjà perdu maintes et maintes fois.
Cette semaine, des Polonaises ont fait la grève pour protester contre un projet du gouvernement interdisant tous les avortements, même dans les cas de viol ou d’inceste. Elles luttent pour conserver les droits restreints qu’elles détiennent actuellement.
Aux États-Unis, des législateurs américains ont lancé une attaque soutenue et cruelle contre les droits génésiques. Certaines forces de droite semblent revigorées, autant aux États-Unis qu’ici, au Canada.
En tant que féministes et dirigeantes du plus important syndicat du secteur privé du Canada, nous voulons être très claires : ni nous, ni notre syndicat ne resterons les bras croisés pendant que les droits génésiques des Canadiennes sont contestés, bafoués ou restreints.
Bien que les droits et la vie des femmes et des personnes transgenres et non binaires du Canada se soient améliorés au cours du dernier siècle, le travail est loin d’être terminé. En nous penchant sur l’histoire, nous savons que les gens se sont battus pour ces droits, qu’ils n’ont pas été concédés facilement, et que la lutte qui nous attend n’implique certainement pas un recul des progrès que nous avons réalisés jusqu’à maintenant.
Le droit de faire un choix en matière de procréation est un droit fondamental.
En 1988 (oui, il y a 31 ans!), - la Cour suprême du Canada a aboli du Code criminel les articles sur l’avortement. Il s’agissait là de l’un des derniers obstacles juridiques afin de véritablement tracer la voie de la justice reproductive, un moment où le Canada est devenu l’un des rares pays sans loi restreignant l’accès à l’avortement.
La population canadienne a également lutté pour améliorer l’accès à l’avortement grâce à la couverture des soins de santé et à l’homologation de pilules médicales abortives. Cette voie médicale, plutôt que chirurgicale, améliore grandement l’accès à l’avortement des communautés pauvres et rurales. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour garantir un accès universel.
C’est avec horreur que nous observons un rapide mouvement de recul quant aux droits génésiques des femmes aux États-Unis. Neuf États ont présenté ou adopté des lois limitant l’accès à l’avortement. Deux de ces États ont carrément éliminé ce droit. Plus récemment, l’État de l’Alabama a interdit tous les avortements, y compris dans les cas de viol. Les groupes canadiens anti-avortement s’en réjouissent.
Au Canada, des politiciens y sont allés de déclarations, particulièrement les politiciens conservateurs, notamment tout récemment le député provincial Sam Oosterhoff, indiquant que des restrictions seraient établies si l’occasion se présente. Cette idée est terrifiante.
À l’échelle fédérale, nous avons également des raisons de redoubler de prudence. Les groupes anti-avortement croient que le chef conservateur Andrew Scheer est un allié, ayant déclaré qu’il ne rouvrirait pas le débat sur l’avortement. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement? Les pressions exercées sur lui pour restreindre les droits des femmes seront fortes, certaines provenant même de son propre caucus. Il a dit au groupe anti-avortement RightNow que ses députés sont libres de présenter des projets de loi d’initiative parlementaire qui restreignent les droits d’accès à l’avortement. Il a également dit qu’il ne forcera pas ses députés à voter sur ces projets de loi. Autrement dit, les droits d’accès à l’avortement peuvent facilement régresser sans même qu’Andrew Sheer n’ouvre le débat. Il laisse cette tâche entre les mains de ses députés.
En effet, les gouvernements conservateurs précédents ont utilisé des projets de loi d’initiative parlementaire pour présenter des lois que le gouvernement lui-même voulait adopter, mais auxquelles ils ne voulaient toutefois pas être associés, se cachant plutôt derrière l’indépendance des députés individuels.
Sept gouvernements conservateurs sont présentement en place dans l’ensemble du Canada, et nous craignons qu’un autre gouvernement conservateur soit élu cet automne lors de l’élection fédérale. Cela atteint le seuil de la capacité d'apporter des changements constitutionnels, y compris des changements à nos droits à l'égalité en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
Personne ne devrait avoir le pouvoir de dicter à quiconque ce qu’il ou elle peut faire ou ne pas faire de son corps. Clairement, nous ne pouvons forcer les femmes et les personnes non binaires ou transgenres à accoucher.
En tant que membres d’un syndicat, nous savons que les droits ne sont jamais donnés, mais plutôt gagnés en menant une lutte acharnée et en faisant preuve de courage et aussi parce que des citoyens se sont unis pour les revendiquer à la table de négociation ou dans les rues. Nous savons aussi que les forces conservatrices gagnent du terrain partout dans le monde et, ici, au Canada, et que cette situation a une incidence considérable sur les droits que nous avons gagnés et les gains que nous avons réalisés pour les femmes et l’ensemble des travailleuses et travailleurs.
Il n’y a aucune égalité sans justice reproductive. Et tout comme les autres femmes syndiquées avant nous, nous lutterons pour les droits des femmes, nous les exigerons et les défendrons. Nous lutterons pour les droits génésiques, nous les exigerons et les défendrons en tant que fondement d’une pleine égalité.